Une Agora pour questionner l’accès à l’alimentation
Le 21 mars s’est déroulée à Yssingeaux la première des trois journées de l’agora de l’accessibilité alimentaire en Haute-Loire, organisée par les Colibris du Pays des Sucs. Cette première journée a bénéficié de l’appui et de l’expertise des Résiliacteurs43 et de Géorésilience, pour mettre en lumière la problématique de la résilience alimentaire. En effet, si les questions de précarité et de solidarité seront à l’honneur vendredi et samedi, le point de départ de l’accès de tous à l’alimentation est bien d’abord la disponibilité des ressources. Or, depuis les crises du COVID, les sécheresses à répétition et le début de la guerre en Ukraine, notre certitude de toujours trouver les rayons du supermarché suffisamment remplis est
un peu ébranlée. Les chocs récents, s’ils n’ont pas déstabilisé tout notre système de production et d’approvisionnement, ont tout de même montré qu’il était vulnérable et que l’anticipation de crises plus importantes relevait simplement du bon sens.
C’est ce qu’a rappelé en préambule Alexandre Boisson, ancien garde du corps des présidents, qui assure à présent des formations sur le thème de la résilience alimentaire. Il était accompagné de Marjolaine Gaudard pour interviewer les différents invités de la matinée, tous porteurs de projets ambitieux et couronnés de succès dans le domaine. Jean-Claude Mensch, maire de Ungersheim, première ville en transition en France, avait fait le déplacement jusqu’à Yssingeaux pour nous faire part de son témoignage.
Dominique Hays, président des Anges Gardins et du réseau national des jardins de Cocagne et Daniel Le Blay, élu en charge de l’agriculture à Mouans-Sartoux, ont complété ses propos.
Tous trois s’accordent sur la nécessité de cultiver à proximité des villes des terres dévolues à l’alimentation humaine. Ils pointent aussi l’importance de la collaboration avec les habitants, de partir de ce qui les préoccupe, et de réhabiliter l’idée qu’ils peuvent être des acteurs du changement. « Pour cela, dit Jean-Claude Mensch, il faut aussi que les citoyens trouvent une forme d’indépendance intellectuelle, loin du consumérisme et de la publicité ». Dominique Hays a insisté sur la nécessaire concertation avec
les agriculteurs pour reterritorialiser des filières et obtenir localement une gamme complète de produits variés, qu’on soit en mesure de transformer, stocker et commercialiser. Quand on spécialise un territoire, on met les gens en concurrence et on détruit des emplois. Au contraire, souligne M. Hays, quand on a recours à une agriculture low-tech et diversifiée, on crée beaucoup de postes. Toutefois, précise Daniel Le Blay, il ne s’agit pas de « revenir en arrière », mais d’utiliser les outils modernes pour créer les réseaux de production du futur.
Ces approches d’autres régions ont été mises en parallèle avec des initiatives locales sans doute déjà bien connues de ceux qui s’intéressent au sujet de l’alimentation en Haute-Loire. Emmanuel Coste, président du PAT de la Jeune Loire et des Jardins de Cocagne (au niveau local), qui a eu une carrière d’agriculteur bio, a évoqué les projets portés au cours de ces dernières années : la mise aux normes de l’abattoir d’Yssingeaux, le soutien au beurre bio de Gérentes, la création d’une légumerie. L’action du PAT s’est aussi portée sur la création d’un annuaire pour savoir qui produit quoi sur le territoire et d’un volet « restauration collective » avec une attention particulière portée à la précarité alimentaire. Sandra Szostak a présenté la régie municipale de Firminy, avec sa dimension pédagogique et ses volumes permettant d’approvisionner les cantines de la ville. Enfin, Guy Chapelle, maire de Saint-Germain-Laprade, a expliqué comment la découverte du risque de rupture d’approvisionnement alimentaire l’avait conduit, en 2022, à inscrire ce dernier dans son Plan Communal de Sauvegarde.
L’après-midi, une autre table ronde, animée par Chloé Landriot, a réuni divers acteurs du monde agricole et de la restauration collective. Aux côtés d’Emmanuel Coste, Hervé Fayet, éleveur et président de Haute-Loire bio, Jérôme Suc, responsable du restaurant municipal de Saint-Germain Laprade, Xavier Romeuf, éleveur et co-président de l’ADEAR43 et Bénédicte Pelloux-Prayer, animatrice du réseau des AMAP AURA, ont échangé sur la nécessité de réaffirmer le rôle des agriculteurs dans l’économie et la
sécurité du territoire. « Il faut que l’agriculteur soit au cœur de la vie sociale », a assuré Hervé Fayet.
L’ensemble des propositions a bien montré que c’était en effet souhaitable et possible, lorsque la volonté forte des élus est mobilisée et que les citoyens sont conscients des enjeux. Sans approvisionnement local sur un territoire, il n’y a pas de sécurité alimentaire. Mais sans accès de tous à la nourriture, il n’y en a pas non plus. C’est pourquoi le prolongement logique de cette journée est la réflexion sur la Sécurité Sociale de l’Alimentation qui sera samedi le point d’orgue de l’agora à Saint-Pierre Eynac.
Dans le même temps de l’après-midi, les élus qui le souhaitaient ont pu participer à un atelier de travail concret sur le Plan Communal de Sauvegarde avec Géorésilience.
Les Jardins de Cocagne « Au fil de l’eau » ont régalé les convives d’un buffet local, bio, élégant et délicieux.